Antonio Altarriba

“Moi, menteur” en paris-barcelona.com

Escrito por VICENÇ BATALLA, publicado en paris-barcelona.com el 14 de mayo de 2021

Antonio Altarriba : “Le diptyque sur mes parents est très émotionnel et la trilogie du ‘moi’ impitoyable dans sa vision du monde” 

VICENÇ BATALLA. L’autobiographie, réelle ou fictive, est la base du travail du scénariste espagnol des bd Antonio Altarriba. Son succès de publique et critique avec L’Art de voler (De Ponent, 2009 ; Denoël Graphic, 2011), qui raconte la vie chamboulée et politisée de son père avant de se suicider à quatre-vingt-dix ans, l’avait propulsé aux avant postes du roman graphique ibérique. Avec le dessinateur catalan Kim, ils ont gagné le Prix national de bd en Espagne en 2010. La suite L’Aile brisée (Denoël Graphic, 2016 ; Norma Editorial), sur l’histoire opposée mais en miroir de sa mère, avait été même publiée d’abord en français. Maintenant, Denoël Graphic édite les deux œuvres comme le diptyque L’Épopée espagnole, qui en fait un parcours du XXème siècle espagnol du côté des anonymes. “Pour abattre les murs de l’oubli, les deux auteurs ont édifié un autre mur créatif, composé de petites cages, d’images, autant de bulles de mémoire qui remontent à la surface de notre actualité”, finit le prologue dans le diptyque l’hispaniste Viviane Alary.

Simultanément, Altarriba avait commencé sa trilogie du moi où il débute en se cherchant un alter ego dans le personnage du Moi, assassin (Norma, 2014; Denoël Graphic) et les dessins en noir et blanc du madrilène Keko. C’est une critique furibonde du marché de l’art. Le deuxième chapitre avait été Moi, fou (Norma, 2018; Denoël Graphic), un réquisitoire contre l’industrie pharmaceutique très d’actualité en ce moment avec la pandémie.

Et il clôt la trilogie avec Moi, menteur (Norma, 2020 ; Denoël Graphic, 2021). Avec des noms légèrement modifiés, le scénariste attaque de la manière la plus frontal comme il ne l’avait jamais fait auparavant l’actualité politique espagnole et les spin doctors de la communication personnifié en la figure d’Iván Redondo, d’abord conseiller du premier ministre de droite Mariano Rajoy et maintenant du premier ministre socialiste Pedro Sánchez. Une politique au XXIème siècle qui change les guerres des tranchées pour les guerres d’un simulacre de communication. Répondant à nos questions par courrier électronique, le professeur universitaire de littérature française à Vitoria-Pays Basque, et né à Saragosse en 1952, nous parle de ces cinq œuvres avec ses échos actuels.      

Avec ‘Moi, menteur’, vous finissez une trilogie commencée il y a sept ans. Est-ce qu’il y a la possibilité qu’il apparaissent d’autres  moi, dédoublement de votre personnalité dans le futur ou les personnages ils ont tout donné de soi-même?

“Je pourrais dire, imitant Rimbaud, « moi est un autre » et, suivant la dialectique des Dupon·d·t, « je dirais même plus, moi est beaucoup d’autres ». Effectivement, la série pourrait avoir d’autres « moi », mais non. Nous nous arrêtons là. Je n’aime pas les séries interminables et je crois que, même si le tour n’est pas complet et on pourrait illustrer la nature humaine avec d’autres exemples, le parcours est suffisamment représentatif. Nous avons choisi le meilleur de chaque famille, l’assassin, le fou et le menteur. La vision d’une contemporanéité aussi impitoyable dans les faits que correcte dans les formes se complète assez bien avec les trois volumes. Cette promenade par des chemins bien obscurs met en relief l’imposture, les mécanismes du pouvoir, les difficultés d’une communication pleine… Ce sont les axes essentiels sur lesquels repose notre société”.

’Moi, menteur’ est le livre le plus directement connecté à l’actualité. Avec des personnages publiques et politiques espagnols (la corruption du Parti Populaire, le nouveau premier ministre socialiste Pedro Sánchez… ), à qui on change légèrement leurs noms. D’abord, est-ce qu’il peut se révéler plus difficile à suivre par le lecteur français ou on peut comprendre le récit comme un phénomène universel?

“La lecture du livre en Espagne se fait de façon différente à celle d’autres pays. Un espagnol identifie les personnages, les affaires de corruption dont il est question et les stratégies politiques et «communicationnelles». Mais, d’après ce que j’ai pu constater, le livre est très bien compris en France. La désaffection et la méfiance par rapport à la classe politique est répandue un peu partout dans le monde. En fait, en lisant les critiques que le livre a reçu en France, je constate que cela ne se lit pas comme des événements rares ou étrangers. On voit que l’intrigue se passe en Espagne, mais le public est également interpellé. Ils savent que cela pourrait se passer en France. Des affaires semblables ont eu lieu en France et dans beaucoup d’autres pays. J’ai une grande confiance dans les comportements des politiciens de tout le monde pour que le livre ait une bonne réception internationale”.

Deuxièmement, dans ce troisième livre il n’y a aucune ambiguïté sur vos intentions. Est-ce une vision très pessimiste sur ce qu’est devenue la politique et la chose publique?

”Je crois que c’est une vision assez réaliste. Pour commencer, les scandales de corruption et les stratégies politiques dont je rends compte ne sont pas inventés. Le nombre de politiciens accusés devant différentes cours est réel et les chiffres de la corruption en Espagne aussi. Je dirais même que je reste un peu court dans mes exemples. Et cela dénonce, effectivement, la dégradation de la politique dans les dernières décades, manque d’un engagement sincère avec les idéaux, remplacement des politiques de l’action par les politiques du discours (le récit et les stratégies de communication comptent plus que les faits), abandon de l’esprit de service aux citoyens pour ne penser qu’aux intérêts du parti ou à la perpétuation dans le pouvoir, les dimensions d’un capitalisme sauvage qui font que les intérêts de certaines grandes corporations puissent s’imposer aux gouvernements, les faiblesses d’un réseau médiatique incapable de dénoncer les abus et séquestré par ses propres dépendances économiques… La dérive est préoccupante et cela risque de glisser vers des tyrannies « soft », avec une conscience citoyenne ramollie par une communication adroitement dirigée”.

Les idéologies sont-elles mortes et tout n’est que communication ou simulacre de communication? Le personnage Adrián Cuadrado (Iván Redondo) est-t-il le méchant par excellence d’une société de la post-vérité ? Avec le récent résultats des élections dans la région de Madrid, pourrait-il être échangeable avec Miguel Ángel Rodríguez comme spin doctor d’Isabel Díaz Ayuso?

“Tout-à-fait. Nous avons tous eu l’impression que la partie d’échecs des élections madrilènes s’est jouée entre Iván Redondo, chef de cabinet de Pedro Sánchez, et Miguel Ángel Rodríguez, conseiller de Díaz Ayuso. À un tel point la communication était calculée dans tous ses effets. Et si on y réfléchit, on comprend tout de suite que, dans une période tellement difficile comme l’actuelle, il n’en a pas été question des problèmes concrets des gens. J’aime bien l’expression que vous utilisez dans votre question, «simulacre de communication». Parce qu’il s’agit bien de cela, même pas de la véritable communication, mais du simulacre”.

La médecine et l’art en business

Dans les dessins en noir et blanc de Keko, on passe des traces de rouge à Moi, assassin au jaune de Moi, fou et vert à Moi, menteur. Est-il aussi une façon d’adoucir une réalité qui n’a jamais cessé d’être crue, même si maintenant on nous la vend indolore ?

“C’est ça d’une certaine manière. Nous avons introduit une troisième couleur pour adoucir le côté sombre d’un noir et blanc sans nuances et très dense. Dans ce sens, on part d’une volonté « d’adoucir ». Mais, au-delà de cet effet esthétique, l’utilisation des trois couleurs se distribue suivant une logique narrative. Tout ce qui est peint en rouge, en jaune ou en vert représente une alarme, signale un objet menaçant ou renforce le symbolique de la scène. Et le rouge convient à l’assassinat, le jaune criard à la folie et le vert au mensonge”.

De quelle manière a influencé le travail d’illustration de Keko depuis que la trilogie a été initiée ? Le contraste entre le noir et blanc est aussi une façon de souligner la partie la plus obscure des réactions humaines…

“J’ai contacté Keko dès le début du projet. Pour moi, c’était évident que lui (uniquement lui en Espagne) pouvait donner l’atmosphère qui convenait aux histoires. C’est un grand maître du noir et blanc, massif et contrasté. Je pense qu’un dessinateur moins contondant n’aurait pas donné cette ambiance oppressante qui convient si bien à l’intrigue”.

À Moi, fou, il y avait une critique directe aux multinationales pharmaceutiques et sa façon de gagner de l’argent avec nos maux et angoisses. Est-ce que la réalité n’a pas encore fait plus pertinente cette critique maintenant qu’il se multiplient les polémiques pour les patentes, la distribution et les clauses de confidentialité des vaccins du Covid?

“Et oui… Paradoxalement, l’industrie pharmaceutique est une des plus opaques avec un lobby très puissant. Et notre santé est entre ses mains. Comment pouvons-nous être sûrs que dans le dilemme «bien public/bénéfice privé» ils vont agir dans le sens correct? Ils ne se cachent pas, d’ailleurs. De nombreux directifs ont déclaré que c’est le marketing (pas la santé mondiale) qui marque la politique de leurs entreprises. Le comportement des labos dans la pandémie actuelle prouve cette opacité, l’UE n’a pas pu donner une information transparente des contrats signés pour l’achat des vaccins. La bataille pour les patentes va être très dure même si c’est une grande mortalité qui peut en découler. Et l’aventure n’est pas finie. Attendons les délais d’immunité, la vaccination mondiale, les effets secondaires, les mutations du virus… Le bénéfice serait-il incompatible avec le bénéfique?”.

À Moi, assassin vous même vous vous dédoublez comme professeur d’art baroque et peinture expressionniste qui commettait ses crimes comme une œuvre d’art. Est-ce que le circuit culturel d’art a-t-il perdu sa capacité de surprendre ? Est-t-il devenu uniquement une valeur de marché de plus?

“Les voix critiques sur la direction prise par l’art dans les dernières décades ne cessent d’augmenter. Un excès de conceptualisation dans le discours artistique permet que tout acte devienne performance et tout objet œuvre d’art. Nous sommes nombreux à penser que, dans certaines manifestations dites « artistiques », la valeur est douteuse jusqu’à avoir même l’impression qu’on se moque de nous. C’est ainsi que nous assistons ébahis à certaines expositions, sans comprendre, sans nous émouvoir, sans être touchés, même pas visés. Et le cercle d’experts et les manœuvres financières pour soutenir les cotes se chargent, avec succès, de maintenir le marché. C’est pourquoi la démarche du protagoniste de ‘Moi, assassin’ devient pertinente, même émouvante. D’accord, c’est un assassin, mais sa démarche est sincère, radicalement authentique. Il soulève en nous des sentiments contradictoires, parce que, au fond du dégoût, nous ne pouvons pas éviter une certaine sympathie, presque pitié. Il est un assassin, mais il est sincère, condamné donc à mourir par la montée irréfrénable du mensonge”.

Peut-on consacrer toutes ses énergies au monde de l’art jusqu’à abandonner et perdre ses êtres le plus chéris ?

“L’art peut être vécu comme une passion, rédemptrice ou destructrice. Dernièrement (effet de la post-modernité peut-être) la relation du créateur avec son œuvre s’est refroidie et elle est vécue maintenant comme amusement, prestige ou entreprise économique. Mais j’aime bien ces relations fortes qui font que l’artiste accroche à l’œuvre de façon désespérée, à vie ou à mort, misant le salut ou comme l’unique façon d’être, au moins de survivre. C’est une conception essentiellement romantique de la création artistique, mais transcendante et garantie, au moins, de l’importance du défi créatif”.

La dichotomie du père et la mère de l’auteur

L’Art de voler et L’Aile brisée viennent d’être édités en un seul volume en France comme le diptyque qu’il est de l’histoire de son père et sa mère. Est-ce que vous croyez que maintenant ces deux livres gagnent en perspective, comme le raconte Viviane Alary dans le prologue?

“Ils gagnent en perspective temporelle d’abord. ‘L’Art de voler’ est paru en France il y dix ans et en Espagne douze. ‘L’Aile brisée’ est plus récent (2016) est il se maintient bien vivant en ventes et, surtout, dans les propos qu’il illustre sur toute une génération de femmes. Mais la perspective s’établit surtout à travers le jeu de correspondances tressé entre les deux volumes. D’une part nous avons une vision du XXème siècle espagnol du côté républicain et progressiste (mon père) et une autre du côté conservateur et franquiste (ma mère), mais aussi et surtout l’expérience de faits très semblables, parfois identiques, vécus par un homme dans un volume et par une femme dans l’autre. La figure de mon père, protagoniste indiscutable de ‘L’Art de voler’ est fortement nuancée dans ‘L’Aile brisée’. Et, à l’envers, la figure de ma mère, protagoniste de ‘L’Aile brisée’, mise en question dans ‘L’Art de voler”.

Avez-vous réussi à vous mieux comprendre dans votre relation avec vos parents? Avez-vous réussi à maintenir leur héritage dans votre pratique autant académique que de compromis publique et personnel?

“Oui. Surtout en ce qui concerne ma mère. J’avoue une certaine distance par rapport à elle, conséquence de sa foi religieuse, je dirais même de sa bigoterie. Avec l’écriture de ce scénario, j’ai compris que pour une femme dans sa position sociale, économique, familiale la religion catholique, telle qu’elle l’a vécue, était une consolation, presque une bouée de sauvetage pour pouvoir survivre”.

Avez-vous de nouveaux projets avec le dessinateur Kim?

“Non, pas de nouveaux projets avec Kim pour le moment”.

Vous savez déjà que le magazine Rockdelux maintenant en ligne a placé L’Art de voler comme la deuxième meilleure bd de l’histoire en Espagne, dans un large vote des journalistes, spécialistes et aussi collègues de profession. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

“C’est très important pour moi. L’Espagne a une longue, abondante et très riche tradition dans la création de bd. Apparaître en deuxième place dans une production de dizaines de milliers de titres et qui compte cent cinquante ans d’histoire ne peut pas laisser indifférent. Ceci dit, je suis conscient du caractère arbitraire de ce genre de listes et du manque de perspective historique pour situer une œuvre très récente comme la mienne. En tout cas, j’ai été fortement touché. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la vie de mon père et cela ajoute une composante émotionnelle très forte”.

Entre Vitoria, votre lieu de travail professionnel, et Saragosse, votre lieu de naissance et d’éducation, quelle est la différence pour imaginer les histoires ?

“Saragosse est la référence géographique essentielle du diptyque qui retrace la vie de mes parents. Vitoria est la référence géographique essentielle de « la trilogie du Moi ». Le diptyque est très émotionnel et évoque des moments marqués par le malheur, mais surtout par l’amour. La trilogie est impitoyable dans sa vision du monde. Je réfléchis au fil de votre question et je me rends compte que cela semble signaler un rapport personnel très différent avec Saragosse et Vitoria. Il faut dire aussi que Saragosse c’est le monde de mon enfance et adolescence, et Vitoria de ma période adulte et de mon activité professionnelle. Je suppose que cela y joue dans la différente vision des deux villes”.

Quels sont vos prochains projets?      

“Je travaille sur un nouveau scénario pour Sergio García (avec qui en 2017 avait publié en espagnol  Cuerpos del delito sur le siège de Sarajevo aux années quatre-vingt-dix), un grand dessinateur, plus connu comme illustrateur. Je retrace la grande odyssée de notre temps, hasardeuse, pleine de périls, mais cachée. C’est l’odyssée des migrants et réfugiés qui traversent l’Afrique pour atteindre ce paradis-mirage qui est pour eux l’Europe”.

Antonio Altarriba: “El díptico de mis padres es muy emocional y la trilogía del ‘yo’ implacable en su visión del mundo”

VICENÇ BATALLA. La autobiografía, real o ficticia, es la base del trabajo del guionista español de cómics Antonio Altarriba. Su éxito de público y crítica con El arte de volar (De Ponent, 2009; Denoël Graphic, 2011), que explica la vida agitada y politizada de su padre antes de suicidarse a los noventa años, lo propulsó en la primera línea de la novela gráfica ibérica. Con el dibujante catalán Kim, ganó el Premio Nacional de Cómic en 2010. La continuación El ala rota (Denoël Graphic, 2016; Norma Editorial), sobre la historia opuesta pero como un espejo de su madre, incluso se publicó primero en francés. Ahora, la francesa Denoël Graphic edita las dos obras como el díptico L’Épopée espagnole (La epopeya española), del que se desprende un recorrido por el siglo XX español del lado de los anónimos. “Para abatir las paredes del olvido, ambos autores han edificado otra pared creativa, compuesta de pequeñas viñetas, de imágenes, como una especie de bocadillos de memoria que remontan a la superficie de nuestra actualidad”, acaba el prólogo en el díptico de la hispanista Viviane Alary.

Simultáneamente, Altarriba había comenzado su trilogía del yo donde debuta buscándose un alter ego en el personaje del Yo, asesino (Norma, 2014; Denoël Graphic) y los dibujos en blanco y negro del madrileño Keko. Se trata de una crítica furibunda del mercado del arte. La segunda entrega fue Yo, loco (Norma, 2018; Denoël Graphic), una acusación contra la industria farmacéutica muy de actualidad en estos momentos con la pandemia.

Y cierra la trilogía con Yo, mentiroso (Norma, 2020; Denoël Graphic, 2021). Con nombres ligeramente modificados, el guionista fustiga de manera frontal como nunca antes lo había hecho la actualidad política española y los spin doctors de la comunicación personificada en la figura de Iván Redondo, primer consejero del presidente de derechas Mariano Rajoy y ahora del presidente socialista Pedro Sánchez. Una política en el siglo XXI que cambia las guerras de trincheras por las guerras de un simulacro de comunicación. Respondiendo a nuestras preguntas por correo electrónico, el catedrático de literatura francesa de la Universidad del País Vasco-Vitoria, y nacido en Zaragoza en 1952, nos habla de estas cinco obras con sus ecos actuales.

Con Yo, mentiroso, acaba una trilogía empezada hace siete años. ¿Hay posibilidades de que aparezcan más yo, desdoblamiento de su personalidad en el futuro o los personajes ya han dado todo de sí?

“Podría decir, imitando a Rimbaud, «yo soy otro» y, siguiendo la dialéctica de los Dupon·d·t, «yo diría incluso más, yo son muchos otros». Efectivamente, la serie podría tener otros «yo», pero no. Nosotros nos paramos aquí. No me gustan las series interminables y creo que, pese a que todavía no hemos acabado de dar la vuelta y podríamos ilustrar la naturaleza humana con otros ejemplos, el recorrido es suficientemente representativo. Hemos escogido lo mejor de cada familia, el asesino, el loco y el mentiroso. La visión de una contemporaneidad tan despiadada en los hechos como correcta en las formas se completa bastante bien con los tres volúmenes. Este paseo por caminos tan oscuros pone de relevo la impostura, los mecanismos del poder, las dificultades de una comunicación plena… Son los ejes esenciales sobre los cuales descansa nuestra sociedad”.

Yo, mentiroso es la entrega más directamente conectada con la actualidad. Con personajes públicos y políticos españoles (la corrupción del PP, la nueva presidencia del socialista Pedro Sánchez… ), a los que se les cambia ligeramente el nombre. En primer lugar, ¿puede resultar más difícil de seguir por parte del lector francés o el relato se entiende como un fenómeno universal?

“La lectura del libro en España se hace de manera diferente a la de otros países. Un español identifica a los personajes, los asuntos de corrupción que se tratan y las estrategias políticas y de comunicación. Pero, según lo que he podido constatar, el libro se entiende muy bien en Francia. La desafección y la desconfianza respecto a la clase política se ha extendido un poco por todo el mundo. De hecho, leyendo las críticas que el libro ha recibido en Francia, constato que no se lee como acontecimientos raros o extranjeros. Se ve que la intriga pasa en España, pero el público también se siente interpelado. Saben que esto podría pasar en Francia. Otros asuntos parecidos han tenido lugar en Francia y en muchos otros países. Tengo una gran confianza en los comportamientos de los políticos de todo el mundo para que el libro tenga una buena recepción internacional”.

En segundo lugar, en este caso no hay ninguna ambigüedad sobre sus intenciones. ¿Es una visión muy pesimista sobre en lo que se ha convertido la política y el hecho público?

”Creo que es una visión bastante realista. Para empezar, los escándalos de corrupción y las estrategias políticas a las cuales me refiero no son inventados. El número de políticos acusados ante diferentes tribunales es real y las cifras de corrupción en España también. Diría incluso que me quedo un poco corto en mis ejemplos. Y esto denuncia, efectivamente, la degradación de la política en las últimas décadas, la falta de compromiso sincero con los ideales, la sustitución de las políticas de acción por las políticas de discurso (el relato y las estrategias de comunicación cuentan más que los hechos), el abandono del espíritu de servicio a los ciudadanos pensando solo en los intereses del partido o en la perpetuación en el poder, las dimensiones de un capitalismo salvaje que hace que los intereses de ciertas grandes corporaciones puedan imponerse a los gobiernos, las debilidades de una red mediática incapaz de denunciar los abusos y secuestrada por sus propias dependencias económicas… La deriva es preocupante y tiene el riesgo de llevarnos hacia tiranías  « soft », con una conciencia ciudadana ablandada por una comunicación hábilmente dirigida”.

¿Han muerto las ideologías y todo es comunicación o simulacro de comunicación? ¿El personaje de Iván Cuadrado (Iván Redondo) es el malvado por excelencia de unas sociedades de la posverdad? Con el reciente resultado de las elecciones en la Comunidad de Madrid, ¿sería intercambiable con Miguel Ángel Rodríguez como spin doctor de Isabel Díaz Ayuso?

“Totalmente. Todos tuvimos la impresión de que la partida de ajedrez de las elecciones madrileñas se jugó entre Iván Redondo, jefe de gabinete de Pedro Sánchez, y Miguel Ángel Rodríguez, consejero de Díaz Ayuso. Lo demuestra hasta qué punto la comunicación estaba calculada en todos sus efectos. Y reflexionando, se entiende enseguida que, en un período tan difícil como el actual, no se trataran los problemas concretos de la gente. Me gusta la expresión que usted utiliza en la pregunta, «simulacro de comunicación». Porque es justo esto: no una verdadera comunicación, sino un simulacro”.

La medicina y el arte como negocio

En los dibujos en blanco y negro de Keko, se pasa de rastros de rojo en Yo, asesino a amarillo en Yo, loco y verde en Yo, mentiroso. ¿Es también una manera de ir dulcificando una realidad que no ha dejado de ser cruda, pero que ahora se vende como indolora?

“Es esto en cierta manera. Introdujimos un tercer color para endulzar la parte sombría de un blanco y negro sin matices y muy denso. En este sentido, partimos de una voluntad de «endulzar». Pero, más allá de este efecto estético, la utilización de los tres colores se distribuye siguiendo una lógica narrativa. Todo lo que está pintado en rojo, en amarillo o en verde representa una alarma, señala un objeto amenazante o refuerza lo simbólico de la escena. Y el rojo conviene al asesinato, el amarillo chillón a la locura y el verde a la mentida”.

¿Cómo ha influido el trabajo de ilustración de Keko desde que se inició la trilogía? El contraste entre el blanco y negro también es una manera de subrayar la parte más oscura de las reacciones humanas…

“Me puse en contacto con Keko desde el comienzo del proyecto. Para mí, era evidente que él (y solo él en España) podía dar la atmósfera que convenía a las historias. Es un gran maestro del blanco y negro, masivo y contrastado. Pienso que un dibujante menos contundente no hubiera otorgado este ambiente opresor que le va tan bien a la intriga”.

En Yo, loco había una crítica directa a las multinacionales farmacéuticas y su forma de ganar dinero con nuestros males y angustias. ¿La realidad ha hecho más pertinente esta crítica ahora que se multiplican las polémicas por las patentes, distribución y cláusulas de confidencialidad de las vacunas de la Covid?

“Pues, sí… Paradójicamente, la industria farmacéutica es una de las más opacas con un lobby muy potente. Y nuestra salud está entre sus manos. ¿Cómo podemos estar seguros de que en el dilema «bien público/beneficio privado» actuarán en el sentido correcto? Por otro lado, no se esconden. Numerosos directivos han declarado que es el marketing (y no la salud mundial) lo que marca la política de sus empresas. El comportamiento de los laboratorios en la pandemia actual prueba esta opacidad, la UE no ha podido dar una información transparente de los contratos firmados por la compra de las vacunas. La batalla por las patentes será muy dura pese a que se pueda desprender de ello una gran mortalidad. Y la aventura no se ha acabado. Esperemos a los plazos de inmunidad, a la vacunación mundial, a los efectos secundarios, a las mutaciones del virus… ¿El beneficio es incompatible con el beneficio?”.

En Yo, asesino se desdobla usted mismo como un profesor de arte barroco y pintura expresionista que consuma sus crímenes como otra obra de arte. ¿Ha perdido el circuito cultural del arte su capacidad de sorprender? ¿Se ha convertido únicamente en un valor de mercado?

“Las voces críticas sobre la dirección tomada por el arte en las últimas décadas no paran de aumentar. Un exceso de conceptualización en el discurso artístico permite que todo acto se convierta en performance y todo objeto en obra de arte. Somos numerosos en pensar que, en ciertas manifestaciones dichas «artísticas», el valor es dudoso hasta tener incluso la impresión de que se ríen de nosotros. Es por esto que asistimos atónitos a ciertas exposiciones, sin comprender, sin emocionarnos, sin que nos diga o nos llegue nada. Y el círculo de expertos y las maniobras financieras para apoyar estas cotas se encargan, con éxito, de mantener el mercado. Es la razón por la que el proceso del protagonista de ‘Yo, asesino’ se convierte en pertinente, incluso emocionante. De acuerdo, es un asesino, pero su proceso es sincero, radicalmente auténtico. Y despierta en nosotros sentimientos contradictorios, porque, en el fondo de la animadversión, no podemos evitar una cierta simpatía, casi piedad. Es un asesino, pero es sincero, condenado a morir por la subida irrefrenable de la mentida”.

¿Se pueden consagrar todas las energías al mundo del arte hasta abandonar y perder a los seres más queridos?

“El arte puede ser vivido como una pasión, redentora o destructora. Últimamente (efecto de la posmodernidad quizás) la relación del creador con su obra se ha enfriado y se vive ahora como un divertimento, prestigio o empresa económica. Pero me gustan estas relaciones fuertes que hacen que el artista se agarre a la obra de forma desesperada, a vida o muerte, jugándose la salud o como la única manera de ser, o al menos de sobrevivir. Es una concepción esencialmente romántica de la creación artística, pero transcendente y garantía, como mínimo, de la importancia del desafío creativo”.

La dicotomía del padre y la madre del autor

El arte de volar y La ala rota se acaban de editar en un solo volumen en Francia como el díptico que es sobre la historia de su padre y su madre. ¿Cree que ahora los dos libros ganan en perspectiva, tal como explica Viviane Alary en el prólogo?

“Ganan en perspectiva temporal de entrada. ‘El arte de volar’ apareció en Francia hace diez años y en España doce. ‘El ala rota’ es más reciente (2016) y se mantiene bien vivo en ventas y, sobre todo, en los enunciados que ilustra sobre toda una generación de mujeres. Pero la perspectiva se establece sobre todo a través del juego de correspondencias trenzando entre los dos volúmenes. Por una parte tenemos una visión del siglo XX español del lado republicano y progresista (mi padre) y por otra del lado conservador y franquista (mi madre), pero también y sobre todo la experiencia de hechos muy parecidos, a veces idénticos, vividos por un hombre en un volumen y por una mujer en el otro. La figura de mi padre, protagonista indiscutible de ‘El arte de volar’ se encuentra fuertemente matizada en ‘El ala rota’. Y, al revés, la figura de mi madre, protagonista de ‘El ala rota’, puesta en cuestión en ‘El arte de volar”.

Consiguió entender y entenderse usted mejor en su relación con sus padres? ¿Ha logrado mantener su herencia en su práctica tanto académica como de compromiso público y personal?

“Sí. Sobre todo en lo que concierne a mi madre. Confieso una cierta distancia respecto a ella, consecuencia de su fe religiosa, diría incluso de su mojigatería. Con la escritura de este guión, comprendí que para una mujer en su posición social, económica, familiar la religión católica, tal como ella la vivió, era una consolación, casi una boya de salvamento para poder sobrevivir”.

¿Tiene nuevos proyectos con el dibujante Kim?

“No, no tengo nuevos proyectos con Kim por ahora”.

Ya sabe que la revista  Rockdelux ahora en línea ha situado a El arte de volar como el segundo mejor cómic de la historia en España, en una amplia votación de periodistas, especialistas y también compañeros de profesión. ¿Qué significa esto para usted?

“Es muy importante para mí. España tiene una larga, abundante y muy rica tradición en la creación de cómic. Aparecer en segundo lugar en una producción de decenas de miles de títulos y que cuenta con ciento cincuenta años de historia no puede dejar indiferente. Dicho esto, soy consciente del carácter arbitrario de este tipo de listas y de la falta de perspectiva histórica para situar una obra muy reciente como la mía. En todo caso, me sentí muy emocionado. No hay que olvidar que se trata de la vida de mi padre y esto le añade un componente emocional muy fuerte”.

Entre Vitoria, su lugar de trabajo profesional, y Zaragoza, su lugar de nacimiento y educación, ¿cuál es la diferencia a la hora de imaginar historias?

“Zaragoza es la referencia geográfica esencial del díptico que resigue la vida de mis padres. Vitoria es la referencia geográfica esencial de «la trilogía del Yo». El díptico es muy emocional y evoca momentos marcados por el infortunio, pero sobre todo por el amor. La trilogía es implacable en su visión del mundo. Reflexiono sobre la marcha a su pregunta y me doy cuenta de que esto parece señalar una relación personal muy diferente con Zaragoza y Vitoria. También hay que decir que Zaragoza es el mundo de mi infancia y adolescencia, y Vitoria de mi período adulto y de mi actividad profesional. Supongo que ello juega en la visión diferente de las dos ciudades”.

¿Cuáles son sus próximos proyectos?     

“Trabajo en un nuevo guión para Sergio García (con quien en 2017 publicó Cuerpos del delito sobre el sitio de Sarajevo en los años noventa), un gran dibujante, más conocido como ilustrador. Rastreo la gran odisea de nuestro tiempo, incierta, llena de peligros, pero escondida. Es la odisea de los migrantes y refugiados que atraviesan África para alcanzar este paraíso-espejismo que es para ellos Europa”.

Antonio Altarriba: “El díptic dels meus pares és molt emocional i la trilogia del ‘jo’ implacable en la seva visió del món”

VICENÇ BATALLA. L’autobiografia, real o fictícia, és la base del treball del guionista espanyol de còmics Antonio Altarriba. El seu èxit de públic i crítica amb El arte de volar (De Ponent, 2009; Denoël Graphic, 2011), que explica la vida agitada i polititzada del seu pare abans de suïcidar-se als noranta anys, el va propulsar a la primera línia de la novel·la gràfica ibèrica. Amb el dibuixant català Kim, van guanyar el Premi Nacional de Còmic el 2010. La continuació El ala rota (Denoël Graphic, 2016; Norma Editorial), sobre la història oposada però com a un mirall de la seva mare, fins i tot es va publicar primer en francès. Ara, la francesa Denoël Graphic edita les dues obres com el díptic L’Épopée espagnole (L’Epopeia espanyola), d’on en resulta un recorregut pel segle XX espanyol del costat dels anònims. “Per abatre les parets de l’oblit, ambdós autors han edificat una altra paret creativa, composta de petites vinyetes, d’imatges, com una mena de globus de memòria que remunten a la superfície de la nostra actualitat”, acaba el pròleg al díptic de l’hispanista Viviane Alary.

Simultàniament, Altarriba havia començat la seva trilogia del jo on debuta buscant-se un alter ego en el personatge del Yo, asesino (Norma, 2014; Denoël Graphic) i els dibuixos en blanc i negre del madrileny Keko. Es tracta d’una crítica furibunda del mercat de l’art. La segona entrega va ser Yo, loco (Norma, 2018; Denoël Graphic), una acusació contra la indústria farmacèutica molt d’actualitat en aquests moments amb la pandèmia.

I tanca la trilogia amb Yo, mentiroso (Norma, 2020; Denoël Graphic, 2021). Amb noms lleugerament modificats, el guionista fustiga de manera frontal com mai abans no ho havia fet l’actualitat política espanyola i els spin doctors de la comunicació personificada en la figura d’Iván Redondo, primer conseller del president de dretes Mariano Rajoy i ara del president socialista Pedro Sánchez. Una política al segle XXI que canvia les guerres de trinxeres per les guerres d’un simulacre de comunicació. Responent a les nostres preguntes per correu electrònic, el catedràtic de literatura francesa de la Universitat del País Basc-Vitòria, i nascut a Saragossa el 1952, ens parla d’aquestes cinc obres amb els seus ecos actuals.

Amb Yo, mentiroso, acaba una trilogia començada fa set anys. Existeix la possibilitat que apareguin d’altres jo, desdoblament de la seva personalitat en el futur o els personatges ja ho han donat tot de si?

“Podria dir, imitant Rimbaud, «jo és un altre» i, seguint la dialèctica dels Dupon·d·t, «jo diria fins i tot més, jo són molts d’altres». Efectivament, la sèrie podria tenir d’altres «jo», però no. Nosaltres ens parem aquí. No m’agraden les sèries interminables i crec que, malgrat que encara no hem acabat de donar la volta i podríem il·lustrar la natura humana amb d’altres exemples, el recorregut és suficientment representatiu. Hem escollit el millor de cada família, l’assassí, el boig i el mentidor. La visió d’una contemporaneïtat tan despiadada en els fets com correcta en les formes es completa bastant bé amb els tres volums. Aquest passeig pels camins ben obscurs posa de relleu la impostura, els mecanismes del poder, les dificultats d’una comunicació plena… Són els eixos essencials sobre els quals descansa la nostra societat”.

Yo, mentiroso és el llibre més directament connectat amb l’actualitat. Amb personatges públics i polítics espanyols (la corrupció del PP, el nou president socialista Pedro Sánchez… ), a qui se’ls canvien lleugerament el nom. Primer, no pot resultar més difícil de seguir per part del lector francès o el relat s’entén com a un fenòmen universal?

“La lectura del llibre a Espanya es fa de manera diferent a la d’altres països. Un espanyol identifica els personatges, els afers de corrupció que es tracten i les estratègies polítiques i de comunicació. Però, segons el que he pogut constatar, el llibre s’entén molt bé a França. La desafecció i la desconfiança respecte a la classe política s’ha escampat una mica per tot arreu. De fet, llegint les crítiques que el llibre ha rebut a França, constato que no es llegeix pas com a esdeveniments rars o estrangers. Es veu que la intriga passa a Espanya, però el públic també se sent interpel·lat. Saben que això podria passar a França. D’altres afers semblants han tingut lloc a França i en molts d’altres països. Tinc una gran confiança en els comportaments dels polítics de tot el món perquè el llibre tingui una bona recepció internacional”.

En segon lloc, en aquest tercer llibre no hi ha cap ambigüitat sobre les seves intencions. És una visió molt pessimista sobre en el que s’ha convertit la política i la cosa pública?

”Crec que és una visió bastant realista. Per començar, els escàndols de corrupció i les estratègies polítiques de les quals faig esment no són pas inventats. El nombre de polítics acusats davant de diferents tribunals és real i les xifres de corrupció a Espanya també. Diria fins i tot que em quedo una mica curt en els meus exemples. I això denúncia, efectivament, la degradació de la política en les últimes dècades, la manca de compromís sincer amb els ideals, la substitució de les polítiques d’acció per les polítiques de discurs (el relat i les estratègies de comunicació compten més que els fets), l’abandó de l’esperit de servei als ciutadans pensant només en els interessos del partit o en la perpetuació en el poder, les dimensions d’un capitalisme salvatge que fa que els interessos de certes grans corporacions puguin imposar-se als governs, les febleses d’una xarxa mediàtica incapaç de denunciar els abusos i segrestada per les seves pròpies dependències econòmiques… La deriva és preocupant i té el risc de portar-nos cap a tiranies  « soft », amb una consciència ciutadana estovada per una comunicació hàbilment dirigida”.

Han mort les ideologies i tot és comunicació o simulacre de comunicació? El personatge d’Adrián Cuadrado (Iván Redondo) és el malvat per excel·lència d’una societat de la postveritat? Amb els recents resultats de les eleccions a la comunitat de Madrid, seria intercanviable amb Miguel Ángel Rodríguez com a spin doctor d’Isabel Díaz Ayuso ?

“Totalment. Tots vam tenir la impressió que la partida d’escacs de les eleccions madrilenyes es va jugar entre Iván Redondo, cap de gabinet de Pedro Sánchez, i Miguel Ángel Rodríguez, conseller de Díaz Ayuso. Ho demostra fins a quin punt la comunicació estava calculada en tots els seus efectes. I reflexionant-hi, s’entén de seguida que, en un període tant difícil com l’actual, no es tractès dels problemes concrets de la gent. M’agrada l’expressió que vostè utilitza en la pregunta, «simulacre de comunicació». Perquè és ben bé això: no pas una veritable comunicació, sinó un simulacre”.

La medicina i l’art com a negoci

Als dibuixos en blanc i negre de Keko, es passa de rastres de vermell a Yo, asesino al groc de Yo, loco i verd a Yo, mentiroso. És també una forma d’anar endolcint una realitat que mai no ha deixat de ser crua, però que ara es ven com a indolora?

“És això en certa manera. Vam introduir un tercer color per endolcir la part ombrívola d’un blanc i negre sense matisos i molt dens. En aquest sentit, partim d’una voluntat «d’endolcir». Però, més enllà d’aquest efecte estètic, la utilització dels tres colors es distribueix seguint una lògica narrativa. Tot el que és pintat en vermell, en groc o en verd representa una alarma, assenyala un objecte amenaçant o reforça el simbòlic de l’escena. I el vermell convé a l’assassinat, el groc cridaner a la bogeria i el verd a la mentida”.

De quina manera ha influït el treball d’il·lustració de Keko des que es va iniciar la trilogia? El contrast entre el blanc i negre també és una forma d’assenyalar la part més obscura de les reaccions humanes…

“Em vaig posar en contacte amb Keko des del començament del projecte. Per a mi, era evident que ell (i només ell a Espanya) podia donar l’atmosfera que convenia a les històries. És un gran mestre del blanc i negre, massiu i contrastat. Penso que un dibuixant menys contundent no hagués atorgat aquest ambient opressor que li va tan bé a la intriga”.

Yo, loco, hi havia una crítica directa a les multinacionals farmacèutiques i la seva manera de guanya diners amb els nostres mals i angoixes. La realitat ha fet més pertinent ara aquesta crítica quan es multipliquen les polèmiques per les patents, la distribució i les clàusules de confidencialitat de les vacunes de la Covid?

“Doncs, sí… Paradoxalment, la indústria farmacèutica és una de les més opaques amb un lobby molt potent. I la nostra salut és entre les seves mans. Com podem estar segurs que en el dilema «bé públic/benefici privat» actuaran en el sentit correcte? D’altra banda, no se n’amaguen pas. Nombrosos directius han declarat que és el màrqueting (i no pas la salut mundial) el que marca la política de les seves empreses. El comportament dels laboratoris en la pandèmia actual prova aquesta opacitat, la UE no ha pogut donar una informació transparenta dels contractes signats per la compra de les vacunes. La batalla per les patents serà molt dura malgrat que se’n pugui desprendre una gran mortalitat. I l’aventura no s’ha pas acabat. Esperem als terminis d’immunitat, a la vacunació mundial, als efectes secundaris, a les mutacions del virus… El benefici és incompatible amb el benèfic?”.

A Yo, asesino vostè mateix es desdobla com a professor d’art barroc i pintura expressionista que consuma els seus crims com a una altra obra d’art. Ha perdut el circuit cultural de l’art la seva capacitat de sorprendre? S’ha convertit únicament en un valor de mercat?

“Les veus crítiques sobre la direcció presa per l’art en les últimes dècades no paren d’augmentar. Un excés de conceptualització en el discurs artístic permet que tot acte esdevingui performance i tot objecte en obra d’art. Som nombrosos a pensar que, en certes manifestacions dites «artístiques», el valor és dubtós fins a tenir inclús la impressió que se’ns en fotent. És per això que assistim astorats a certes exposicions, sense comprendre, sense emocionar-nos, sense que ens digui o ens arribi res. I el cercle d’experts i les maniobres financeres per donar suport a aquestes cotes s’encarreguen, amb èxit, de mantenir el mercat. És la raó per la qual el procès del protagonista de ‘Yo, asesino’ esdevé pertinent, fins i tot emocionant. D’acord, és un assassí, però el seu procés és sincer, radicalment autèntic. I desperta en nosaltres sentiments contradictoris, perquè, en el fons de l’animadversió, no podem evitar una certa simpatia, gaire bé pietat. És un assassí, però és sincer, condemnat a morir per la pujada irrefrenable de la mentida”.

Es poden consagrar totes les energies al món de l’art fins a abandonar i perdre els seus éssers més estimats?

“L’art pot ser viscut com a una passió, redemptora o destructora. Últimament (efecte de la postmodernitat potser) la relació del creador amb la seva obra s’ha refredat i es viu ara com a un divertiment, prestigi o empresa econòmica. Però m’agraden aquestes relacions fortes que fan que l’artista s’agafi a l’obra de forma desesperada, a vida o mort, jugant-s’hi la salut o com l’única manera de ser, o almenys de sobreviure. És una concepció essencialment romàntica de la creació artística, però transcendent i garantia, com a mínim, de la importància del desafiament creatiu”.

La dicotomia del pare i la mare de l’autor

El arte de volar i La ala rota s’acaben d’editar en un sol volum a França com el díptic que és de la història del seu pare i la seva mare. Creu que ara els dos llibres guanyen en perspectiva, com ho explica Viviane Alary al pròleg?

“Guanyen en perspectiva temporal d’entrada. ‘El arte de volar’ va aparèixer a França fa deu anys i a Espanya dotze. ‘El ala rota’ és més recent (2016) i es manté ben viu en vendes i, sobretot, en els enunciats que il·lustra sobre tota una generació de dones. Però la perspectiva s’estableix sobretot a través del joc de correspondències trenat entre els dos volums. D’una part tenim una visió del segle XX espanyol del bàndol republicà i progressista (el meu pare) i d’una altra del bàndol conservador i franquista (la meva mare), però també i sobretot l’experiència de fets molt semblants, de vegades idèntics, viscuts per un home en un volum i per una dona en l’altre. La figura del meu pare, protagonista indiscutible de ‘El arte de volar’ es troba fortament matisada a ‘El ala rota’. I, a l’inrevés, la figura de la meva mare, protagonista de ‘El ala rota’, posada en qüestió a ‘El arte de volar”.

Va aconseguir d’entendre i entendre’s en la seva relació amb els seus pares? Ha aconseguit mantenir la seva herència en la seva pràctica tant acadèmica com de compromís públic i personal?

“Sí. Sobretot en el que concerneix la meva mare. Confesso una certa distància respecte a ella, conseqüència de la seva fe religiosa, diria fins i tot de la seva beateria. Amb l’escriptura d’aquest guió, vaig comprendre que per a una dona en la seva posició social, econòmica, familiar la religió catòlica, tal com ella la va viure, era una consolació, quasi una boia de salvament per poder sobreviure”.

Té nous projectes amb el dibuixant Kim?

“No, no tinc nous projectes amb Kim per ara”.

Ja sap que la revista Rockdelux ara en línia ha situat El arte de volar com a segon millor còmic de la història a l’Estat espanyol, en una àmplia votació de periodistes, especialistes i també companys de professió. Què significa això per a vostè?

“És molt important per a mi. Espanya té una llarga, abundant i molt rica tradició en la creació de còmic. Aparèixer en segon lloc en una producció de desenes de millers de títols i que compta amb cent cinquanta anys d’història no pot deixar indiferent. Dit això, soc conscient del caràcter arbitrari d’aquest tipus de llistes i de la manca de perspectiva històrica per situar una obra molt recent com la meva. En tot cas, em vaig sentir molt emocionat. No s’ha d’oblidar que es tracta de la vida del meu pare i això hi afegeix un component emocional molt fort”.

Entre Vitòria, el seu lloc de treball professional, i Saragossa, el seu lloc de naixement i d’educació, quina és la diferència a l’hora d’imaginar les històries?

“Saragossa és la referència geogràfica essencial del díptic que ressegueix la vida dels meus pares. Vitòria és la referència geogràfica essencial de «la trilogia del Jo». El díptic és molt emocional i evoca moments marcats per l’infortuni, però sobretot per l’amor. La trilogia és implacable en la seva visió del món. Vaig reflexionant sobre la marxa a la seva pregunta i me n’adono que això sembla assenyalar una relació personal molt diferent amb Saragossa i Vitòria. També s’ha de dir que Saragossa és el món de la meva infància i adolescència, i Vitòria del meu període adult i de la meva activitat professional. Suposo que això hi juga en la visió diferent de les dues ciutats”.

Quins són els seus pròxims projectes?      

“Treballo en un nou guió per a Sergio García (amb qui el 2017 va publicar Cuerpos del delito sobre el setge de Sarajevo als anys noranta), un gran dibuixant, més conegut com a il·lustrador. Rastrejo la gran odissea del nostre temps, incerta, plena de perills, però amagada. És l’odissea dels migrants i refugiats que travessen l’Àfrica per atènyer aquest paradís-miratge que és per a ells Europa”.

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